Il y a des moments dans la vie de golfeur, comme dans la vie tout court, où on se dit que là, on s’est fourré dans un pétrin dont on se demande bien comment on va pouvoir se sortir sans se ridiculiser, et avec un minimum de dégâts, évidemment… sur la carte…

Bref…

Le golf, la vie, comme dirait Little Tiger…

On a souvent  cette sensation pénible et déprimante dans les bunkers profonds, quand la balle, en plus, a le bon goût de se plugger légèrement…

Il y a à Saint Andrews, sur le trou 17, le plus terrifiant de tous les bunkers de la planète. Ceux parmi vous qui ont suivi le Dunhill Links ont pu voir que le dragon, même entravé, montait toujours la garde devant le green de ce trou légendaire.…

N’est-ce pas Darren…

Le revoir à la télé, après les travaux controversés qui l’auraient, soit-disant, « adouçi », m’a inspiré cette petite réflexion à propos de la tradition et des contraintes de l’époque moderne.

A-t-on le droit de toucher aux icônes ?

 

 

 

Les sables de Nakajima

 

 

« Dans le 2000 ouvert, les espoirs de David Duval d’attraper des bois de tigre ont disparu quand il a pris quatre projectiles dans la soute du trou de route »

Etrange sentence, qui est tout bêtement la traduction littérale des malheurs de Duval dans le bunker du Road hole au British Open 2000. Tout s’éclaire.

On sait que les golfeurs ont un langage bien à eux, à base d’anglais. C’est la tradition. Et pourtant, l’expression : « La soute du trou de route » ne manque pas de charme… Même les québécois n’y avaient pas pensé…

Ceci pour en venir à cette affaire de tradition, qui secoue les contours du bunker du Road Hole depuis quelques mois.

Le Road Hole, c’est le 17 de Saint-Andrews. Il tire son nom du petit chemin mal  goudronné et fort vicieux qui longe l’arrière et la droite du green.

Un bunker très profond et très pénalisant monte la garde devant le green, depuis des temps immémoriaux. C’est le bac à sable le plus célèbre du monde. On pourrait écrire des livres entiers sur son histoire, d’ailleurs, cela a déjà été fait.

Sa légende s’est construite au fil des années, au fil des retransmissions télévisées, des reportages dans les magazines, et des mésaventures dont furent victimes ici les meilleurs joueurs professionnels. Aujourd’hui, ce bunker est devenu une des icônes du jeu, un des piliers de la tradition, un lieu de culte et de spectacle, comme le 17 du TPC Sawgrass, le 18 de Peeble Beach ou le 12 d’Augusta.

Lors des grands tournois sur l’Old Course, les spectateurs massés dans les tribunes du 17, se régalent par avance des combats qui vont se dérouler entre les pros téméraires et le démon de la « soute ». Ils sont rarement déçus.

Outre David Duval, de nombreux champions ont dû s’y rependre à de multiples reprises pour sortir la balle de ce piège fatal. Mouland grimpa à  6 coups. Nakajima, en 1978, 4 coups, ou 5, selon les sources, on ne sait plus… Rocca, 3 coups, dans le playoff de l’Open 1995 contre John Daly. Olazabal, sortant vers l’arrière, pour y retourner sur le coup d’approche… Watson, perdant l’Open 1984 face à Ballesteros, en voulant, justement, éviter le piège… Monsieur Els lui même, prenant 8 sur le trou l’année dernière, et combien d’autres…

Après l’Open 2000, et les plaintes de joueurs sur le caractère injuste de la pénalisation, le Saint Andrews Links Trust, gérant du parcours a pris la décision de remodeler légèrement l’obstacle, pour rendre la sortie moins aléatoire. Pour anticiper sur les critiques des puristes, l’entonnoir diabolique qui forme les abords du piège a été agrandi.

Bref : Il serait plus facile de sortir du bunker, mais on y tomberait plus souvent, ceci étant censé compenser cela… Peine perdue et « Shocking ! »  Levée en masse des boucliers de la Tradition !

Mais il y a une autre raison à ces travaux. Les 40 000 green-fees qui arpentent ce parcours public chaque année, et qui veulent en avoir pour leur argent, c’est à dire, entre autres, savourer les délices du célèbre bunker ou se faire photographier à l’intérieur.

La « Soute » terrifiante était devenue la tour Eiffel, file d’attente comprise…

Je ne pense pas qu’il y ait de quoi crier au sacrilège. Les temps changent, les traditions évoluent, l’architecture s’adapte. Souvenons nous qu’à l’origine, à Saint Andrews, il n’y avait ni greens ni départs aménagés. Juste un trou dans le fairway.

Le mieux, c’est d’aller y jouer pour se faire sa propre idée de la chose, mais soyez patients. Le boycott n’est pas d’actualité. Tous les départs sont réservés pour l’année 2004, on accepte les réservations pour 2005, et le green-fee est à 154 euros…

Je laisserai le mot de la fin à Eddie Adams, greenkeeper de l’Old Course depuis 18 ans, qui, de toutes façons, refait ce bunker tous les deux ans, parce que sinon, explique-t-il, il deviendrait de plus en plus profond, à cause des joueurs qui le creusent sans cesse avec leur sand-wedge…

 

 

 

 

PATRICK  MICHELETTI

 

Je sais, j’en ai encore fait 3 kilomètres, mais là, c’est quand même moins nul, hein ?

Rassurez-moi, je suis au fond du trou, j’ai pu l’moral…